Point de départ du délai de prescription en matière d’action en requalification – Par Lionel HERSCOVICI

Depuis la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, le délai de prescription de l’action en requalification du contrat de travail temporaire en un contrat de travail à durée indéterminée est de 2 ans.

Les ordonnances MACRON du 22 septembre 2017 ont réduit ce délai à un an.

Cependant, la question s’est rapidement posée de fixer le point de départ du délai de prescription.

Notamment, dans les situations de succession de contrats de mission, le délai de prescription de l’action en requalification court-il à compter de la conclusion du contrat de mission, ou à l’issue du terme de la dernière mission ?

Dans un arrêt du 13 juin 2012[1], la Cour de cassation a apporté une réponse claire en matière d’action en requalification à l’encontre de l’entreprise utilisatrice sur le fondement des dispositions de l’article L.1251-40 du Code du travail.

La Cour indique :

« Qu’il en résulte que le délai de prescription prévu par l’article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 ne court qu’à compter du terme du dernier contrat de mission ; »

Ainsi donc le point de départ du délai de prescription de l’action en requalification à l’encontre de l’entreprise utilisatrice, est fixé au terme du dernier contrat de mission.

Cette action vise à sanctionner le fait de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice ou l’absence de justificatif du cas de recours à l’intérim.

Cependant, cette position jurisprudentielle n’est pas applicable à l’action en requalification à l’encontre de l’entreprise de travail temporaire.

Il résulte néanmoins de cet arrêt que le point de départ de l’action en requalification à l’encontre de l’entreprise de travail temporaire n’était pas identique à celui contre l’entreprise utilisatrice.

Il se déduisait de cet arrêt que, s’agissant de l’action en requalification à l’encontre d’une entreprise de travail temporaire, pour non-respect des règles de forme du contrat, le point de départ du délai de prescription se situait au jour de sa signature ou de l’établissement du contrat.

Ce point vient d’être confirmé par la Cour de cassation dans un arrêt du 9 mai 2018[2] en matière de CDD.

La cour affirme clairement qu’en matière de requalification pour un défaut de forme du contrat (défaut d’une mention obligatoire par exemple) le point de départ du délai de prescription se situe à la date de conclusion du contrat irrégulier.

Cette solution est tout à fait transposable en matière de travail temporaire.

En l’état, un dernier point reste cependant en suspens.

Or, le point de départ de l’action en requalification pour un manquement de forme se situe, selon la jurisprudence, au jour de conclusion du contrat.

Quel point de départ choisir lorsque le contrat n’a pas été établi et/ou s’il n’a pas été signé par le salarié ?

Selon toute vraisemblance, il conviendra de retenir le premier jour d’exécution du contrat, soit la date à laquelle le contrat aurait dû être conclu.

Ainsi en matière de requalification, l’action en requalification contre une entreprise de travail temporaire sera souvent exposée à la prescription.

En effet, souvent, les salariés intérimaires agissent en requalification lorsqu’ils n’obtiennent pas de CDI ou lorsque la période d’intérim « touche à sa fin ».

Ce point doit donc toujours être vérifié pour examiner la recevabilité de l’action en requalification à l’encontre d’une entreprise de travail temporaire. Plus précisément, il faudra analyse chaque contrat pris indépendamment pour savoir si l’action est prescrite.

 

Lionel HERSCOVICI

Avocat à la Cour

 

[1] Cass Soc, 13 juin 2012, n°10-26387

[2] Cass soc 9 mai 2018, n°16-26437