De nouvelles contraintes pour la procédure d’appel en matière sociale – par Emilie Tournier et Lionel Herscovici

La procédure prud’homale a été profondément remaniée par le décret n°2016-660 du 20 mai 2016. Celui-ci rend applicable une partie significative des règles du décret Magendie du 9 décembre 2009 n°2009-1524 à toutes les procédures d’appel en matière sociale.

Plus récemment, 2 décrets n°2017-891 et 2017-1008, respectivement en date des 6 et 10 mai 2017, ont de nouveau modifié la procédure d’appel.

Enfin, un décret n°2017-1227 du 2 août 2017 est venu préciser la date d’entrée en vigueur des décrets des 6 et 10 mai 2017.

La combinaison de ces textes rend, à compter du 1er septembre 2017, la procédure d’appel en matière sociale beaucoup plus formelle et contraignante.

1.    Communication avec les Cours d’Appel

1.1. Le principe

Désormais, les communications de l’avocat avec les juridictions d’Appel doivent obligatoirement se faire par voie électronique via le réseau privé virtuel des avocats (RPVA), sauf cause étrangère (notion toutefois non définie à ce jour par la jurisprudence).

Or, en tant qu’avocats au Barreau de PARIS, nous n’avons accès qu’au RPVA des Cours d’Appel de PARIS et de VERSAILLES.

Dans la mesure où une extension de ce réseau au niveau national n’est pas prévue, il n’y a pas d’autre solution que de recourir à un postulant local, pour communiquer avec les Cours d’Appel des autres Barreaux par RPVA.

1.2. L’avis de la Cour de Cassation du 5 mai 2017

La Cour de cassation, dans son avis du 5 mai 2017, a confirmé qu’il n’y avait pas d’obligation de postulation en cause d’appel en matière prud’homale, ce qui est une excellente chose.

Il n’en demeure pas moins que les communications avec les juridictions doivent s’effectuer par RPVA, sauf à justifier d’une impossibilité de transmission par voie électronique pour une cause étrangère.

A ce jour et à notre connaissance, aucune décision n’a assimilé à une cause étrangère l’absence d’accès à un RPVA d’un Barreau extérieur, seule hypothèse qui permettrait l’usage du courrier recommandé avec AR ou de la remise en main propre au greffe.

Le recours à des postulants locaux demeure donc préférable.

1.3. Le cas particulier du Défenseur Syndical

A titre liminaire et pour mémoire, depuis le 1er août 2016, la représentation des parties en cause d’appel est obligatoire en matière sociale. Elle ne peut être effectuée que par un avocat ou un Défenseur Syndical.

A l’heure actuelle, les Défenseurs Syndicaux n’ont pas accès au RPVA. La procédure a donc été aménagée pour leur permettre de communiquer avec les juridictions d’Appel, ainsi qu’avec les avocats.

Désormais depuis le décret du 10 mai 2017, ces derniers doivent adresser leurs actes de procédure par courrier recommandé avec accusé de réception ou par voie de signification par huissier.

En retour, les avocats doivent également communiquer avec eux par courrier recommandé avec accusé de réception. En revanche, ils ne sont pas dispensés d’utiliser le RPVA pour communiquer et envoyer leurs actes de procédure aux Cours d’Appel.

2.    Déclaration d’appel

Sur le fond, il n’est plus possible de former un appel général, la déclaration doit expressément mentionner les chefs du jugement critiqués, quand bien même ils seraient tous critiqués.

Sur la forme, cette déclaration doit obligatoirement être adressée à la Cour par RPVA.

L’intimé doit désormais obligatoirement constituer avocat via RPVA dans le délai d’un mois suivant la réception de la déclaration d’appel adressée aux parties en courrier simple.

3.    Délais de procédure

3.1. Procédure ordinaire

A compter de la déclaration d’appel, l’appelant dispose d’un délai de 3 mois pour conclure et adresser ses conclusions à son contradicteur et à la Cour par RPVA. A défaut de quoi il s’expose à un risque de caducité de sa procédure.

A compter de la date de réception des conclusions de l’appelant, l’intimé a également

3 mois (contre 2 mois auparavant) pour conclure et adresser ses conclusions à son contradicteur et à la Cour par RPVA, sous peine d’irrecevabilité de ses pièces et conclusions.

3.2. La procédure d’urgence (dite de référé)

En matière sociale, la procédure d’urgence a été réformée et les délais de procédure ont été fortement réduits.

Ainsi :

–       A réception de l’avis de fixation adressé par le greffe, l’appelant dispose de 10 jours pour signifier sa déclaration d’appel à l’intimé, à peine de caducité relevée d’office.

–       Toujours à peine de caducité, les conclusions de l’appelant doivent être transmises au greffe par RPVA dans un délai d’un mois à compter de la date de réception de l’avis de fixation.

–       A réception des conclusions de l’appelant, l’intimé dispose d’un délai d’un mois pour conclure et adresser ses conclusions à la Cour par RPVA, sous peine d’irrecevabilité de ses pièces et conclusions.

3.3. La procédure du renvoi après cassation

La procédure du renvoi après cassation a, elle aussi, été modifiée.

La Cour d’Appel de renvoi doit être saisie par RPVA dans un délai de 2 mois à compter de l’arrêt de cassation (contre 4 mois auparavant).

A réception de l’avis de fixation adressé par le greffe, la partie qui a saisi la Cour d’Appel de renvoi dispose de 10 jours pour signifier la déclaration de saisine aux autres parties, à peine de caducité relevée d’office.

Dans cette procédure, le délai dont dispose les parties pour adresser les conclusions à la Cour d’Appel via RPVA est de 2 mois.

Là encore, le non-respect de ces délais est sévèrement sanctionné (caducité, irrecevabilité).

S’il est permis aux avocats d’adresser leurs actes de procédure (déclaration d’appel et conclusions, etc.) en courrier recommandé AR aux Cours d’Appel ne relevant pas du ressort de leur Barreau, il convient néanmoins d’être prudent.

Ce, pour éviter toutes difficultés d’acheminement des actes de procédure ou de respect des délais fixés par les magistrats, et donc éviter tout risque d’irrecevabilité de nos actes.

C’est pourquoi de nombreux cabinets ont recours à des postulants locaux, parfois anciens avoués, pour le suivi de leur procédure d’appel en matière sociale.

Il convient donc d’être particulièrement vigilant dans la constitution et le suivi des dossiers d’appel en matière sociale qui n’était auparavant soumise qu’à peu de formalisme et de rares sanctions.

Lionel HERSCOVICI Emilie TOURNIER