Analyse de l’arrêt du 7 janvier 2021
- Le défaut de production d’éléments justificatifs par le cotisant, lors des opérations de contrôle, le prive de les produire ensuite devant les juridictions compétentes.
- Les agents de contrôle ne peuvent recueillir des informations qu’auprès de la personne contrôlée et des personnes rémunérées par celle-ci.
En l’espèce, la Société Caisse d’Epargne et de Prévoyance Loire Drôme Ardèche appartenant au groupe BPCE avait fait l’objet d’un contrôle portant sur les années 2010 2012.
La cour d’appel ayant annulé et maintenu certains chefs de redressement, tant le cotisant que l’URSSAF avaient alors introduit un pourvoi en cassation.
La Cour de cassation a rejeté les pourvois de chacun.
- Sur la collecte d’informations par l’URSSAF
En l’espèce, l’URSSAF avait collecté des informations auprès d’autres sociétés du groupe que celle contrôlée pour retenir différents chefs de redressement.
La Cour de cassation rappelle qu’il résulte de l’article R 243-59 du code de la sécurité sociale que les agents de contrôle ne peuvent recueillir des informations qu’auprès de la personne contrôlée et des personnes rémunérées par celle-ci et que ces dispositions sont d’interprétation stricte.(hormis le cas du travail dissimulé).
La Cour de cassation a reproché à l’URSSAF d’avoir retenu différents chefs de redressement sur la base de documents et d’informations obtenues auprès des sociétés membres du groupe et par l’organe même du groupe.
Par principe, le contrôle opéré ne peut concerner que la société visée par l’avis de passage.
En l’espèce, l’URSSAF avait retenu des chefs de redressements sur la base de documents et d’informations communiquées par d’autres sociétés du groupe dans le cadre d’un contrôle coordonné au niveau national de l’ensemble des sociétés du groupe.
Or, il n’est pas envisageable d’obtenir des informations auprès de sociétés tierces même si elles appartiennent à un même groupe.
L’URSSAF, pour récupérer des informations auprès de tiers, peut se fonder sur les dispositions de l’article 114-19 du code de la sécurité sociale explicité par la circulaire DSS/2011/323 du 21 juillet 2011 relative aux conditions d’application par les organismes de sécurité sociale du droit de communication institué aux articles 114-19 et suivants du code de la sécurité sociale.
Au préalable, les agents des organismes de sécurité sociale ne pourront exercer leur droit de communication qu’après avoir sollicité préalablement l’assuré, l’allocataire ou toute personne concernée.
L’organisme sera habilité à saisir l’entreprise ou l’organisme dépositaire d’informations lorsqu’il se trouvera en présence de l’un des cas suivants :
- Refus exprès de l’intéressé de répondre à la demande d’informations complémentaires formulée par l’organisme ;
- Non présentation des pièces justificatives demandées ;
- Doute sur la validité ou l’authenticité des justificatifs demandés et présentés ;
- Caractère contradictoire des pièces présentées avec les pièces ou les éléments du dossier.
Ici, l’URSSAF ne s’était pas placée sur le terrain des dispositions de l’article 114-19 du code de la sécurité sociale mais avait pris le parti, au mépris des dispositions de l’article R243-59 du code de la sécurité sociale, d’interroger des sociétés autres que celle contrôlée.
L’organisme de sécurité sociale est donc fort logiquement sanctionné par la Cour de cassation.
- Les conséquences délétères du défaut de production de pièces justificatives pendant le temps du contrôle
En substance dans cette affaire, les salariés de la société contrôlée bénéficiaient de prêts immobiliers ou à la consommation à des taux d’intérêts et/ou frais plus favorables que pour les clients de la société, constitutifs selon l’URSSAF d’un avantage en nature.
L’URSSAF, faute d’éléments produits par le cotisant lors du contrôle, avait opéré un redressement sur la base de l’offre proposée au public.
En appel, la société produisait des nouveaux éléments permettant de justifier l’absence d’avantage en nature dans la mesure où la déduction tarifaire n’excédait pas 30 % (seuil de tolérance administrative) du prix public TTC pratiqué par l’employeur pour une personne extérieure à l’entreprise.
La Cour d’appel a refusé d’examiner les pièces produites au motif qu’elles n’avaient pas été communiquées lors de la procédure de contrôle.
La Cour de cassation suit la position de la Cour d’appel et déclare : « l’arrêt ajoute, enfin, que les pièces versées aux débats à hauteur d’appel par la société doivent être écartées dès lors que le contrôle est clos après la période contradictoire telle que définie à l’article R 243-59 du code de la sécurité sociale et que la société n’a pas, pendant cette période, apporté des éléments contraires aux constatations de l’inspecteur ».
La solution rendue est particulièrement choquante au regard des droits de la défense et du respect du principe du contradictoire.
En effet, la Cour de cassation fait fi de l’article 563 du CPC, pourtant pleinement applicable aux juridictions de sécurité sociale, disposant que « Pour justifier en appel les prétentions qu’elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. »
En application de cette disposition, la personne contrôlée devrait pouvoir produire et s’appuyer sans restriction sur des pièces nouvelles.
La Cour de cassation semble privilégier le respect du principe du contradictoire durant la phase de contrôle plutôt que durant la phase juridictionnelle et ce sans aucun motif légitime.
Cette solution rend particulièrement inconfortable la position du cotisant qui ne dispose finalement que de très peu de temps pour récupérer les pièces manquantes avant la clôture du contrôle.
L’article R 243-59 du code de la sécurité sociale prévoit que la personne contrôlée dispose d’un délai de 30 jours pour répondre à la lettre d’observations des inspecteurs de l’URSSAF, augmenté de 30 jours à la demande du cotisant. Ainsi même dans l’hypothèse d’un délai de 60 jours, le délai est bien trop court pour permettre à la personne contrôlée de réunir l’ensemble des pièces requises notamment lorsqu’il s’agit du contrôle d’une société et de l’ensemble de ses établissements et que les chefs de redressement par établissements sont nombreux…
La rupture d’égalité entre l’URSSAF et la personne contrôlée paraît manifeste et il serait heureux que la société concernée dans la présente espèce introduise un recours devant la CEDH pour violation de l’article 6§1 de la convention européenne des droits de l’homme relatif au procès équitable.
A tout le moins, dans une situation identique, il convient, pour prévenir toutes difficultés, de produire, au moment du contrôle, un minimum d’éléments justifiant la position du cotisant pour chaque item ou encore d’y faire référence tout en se réservant, expressément, la possibilité de les compléter ultérieurement.
D’ailleurs, à bien y regarder, dans la présente espèce, l’employeur n’avait, certes, pas produit les pièces justificatives mais ne les avait pas même invoquées. D’où la nécessité, à notre sens, dans une pareille situation d’y faire, a minima, référence.
En tout état de cause, l’arrêt rendu n’étant pas publiée, la solution reste à confirmer.