Dans une décision du Conseil d’Etat du 11 octobre 2017, plusieurs associations de médecins ont demandé au Premier ministre de modifier une disposition du code de la santé publique afin que la liste des personnes habilitées à déposer une plainte devant le conseil départemental de l’ordre contre un médecin, susceptible de donner lieu à une action disciplinaire, soit définie de façon limitative.
Dans le cas d’espèce, il s’agissait d’empêcher un employeur d’initier une action disciplinaire à l’encontre d’un médecin qui aurait fait un lien entre la pathologie du salarié et ses conditions de travail.
Selon ces associations, cette possibilité donnée à l’employeur porterait atteinte à la protection du secret médical, au caractère équitable de la procédure disciplinaire contre le médecin et à l’indépendance du médecin.
Le Conseil d’Etat a pourtant rejeté leur recours.
Il a à ce titre apporté une précision quant aux personnes pouvant instituer une telle action disciplinaire. Celles-ci doivent être « lésées de manière suffisamment directe et certaine par le manquement d’un médecin à ses obligations déontologiques », ce qui peut donc inclure un employeur.
Le Conseil d’État a rappelé par ailleurs que les médecins du travail sont tenus, comme tous les autres médecins, au respect des obligations déontologiques s’imposant à leur profession, et notamment au respect de l’interdiction de délivrer des certificats de complaisance.
Il paraît en effet important de relever que l’Ordre des médecins sanctionne de manière constante les prises de position de médecin reposant sur des faits qu’ils n’ont pas constaté eux-mêmes car cela est contraire à leurs obligations déontologiques.
Cela ressort également d’un rapport adopté par le Conseil national de l’Ordre des médecins en octobre 2006 sur les certificats médicaux.
Il y est notamment précisé que :
« Ce que le médecin atteste dans un certificat doit correspondre, avec une scrupuleuse exactitude, aux faits qu’il a constatés lui-même. Si les dires du patient ou blessé y sont rapportés, ce doit être au conditionnel ou entre guillemets pour distinguer ce qui est allégué par ce dernier, sous sa responsabilité, de ce qui est constaté par le médecin ».
L’article 28 du Code de déontologie médicale (article R.4127-28 du code de la santé publique) dispose clairement que « La délivrance d’un rapport tendancieux ou d’un certificat de complaisance est interdite ».
L’ordre des médecins apporte même mes précisions suivantes :
« Le médecin ne doit certifier que ce qu’il a lui-même constaté. Ont été sanctionnés des médecins dont les certificats avaient été rédigés sans examen du patient.
Si le certificat rapporte les dires de l’intéressé ou d’un tiers, le médecin doit s’exprimer sur le mode conditionnel et avec la plus grande circonspection ; le rôle du médecin est en effet d’établir des constatations médicales, non de recueillir des attestations ou des témoignages et moins encore de les reprendre à son compte ».
Or, il n’est pas rare dans les procédures prud’homales que les salariés se prévalent d’attestations de médecins établissant clairement un lien entre leur pathologie et les conditions de travail du salarié, alors même que ce fait n’a pas pu être directement constaté par eux, et qu’il s’agit d’une reprise des dires du salarié.
Il serait donc possible pour l’employeur, dans ces conditions, d’intenter une telle procédure.
Le Conseil d’Etat a également relevé que le juge disciplinaire devra prendre en compte la spécificité du rôle des médecins du travail, qui peuvent avoir, contrairement à d’autres médecins, une connaissance étendue de l’entreprise concernée et de ses conditions de travail.
Cela semble signifier que certains certificats pourraient paraître justifiés lorsqu’ils ont été rédigés par un médecin du travail, alors même qu’il ne le seraient pas s’il s’agissait du médecin traitant du salarié par exemple, qui n’a aucune connaissance de l’entreprise et des conditions de travail dans lesquelles évolue son patient.
Par Nina SISLIAN