L’aménagement du temps de travail sur une période supérieure à 1 an est remis en cause

La possibilité ouverte, par accord collectif, d’aménager le temps de travail sur une période pouvant aller jusqu’à 3 ans a été jugée non conforme à la Charte sociale européenne par le Comité européen des droits sociaux (CEDS, 15 mars 2019, n°154/2017).

Pour rappel, l’aménagement du temps de travail (bien connu sous le terme de modulation) est un dispositif qui permet de faire varier la durée hebdomadaire de travail sur l’année ou toute autre période de référence définie par accord collectif, et non plus à la semaine.

Le décompte des heures supplémentaires débute donc au-delà de 1607 heures si la période de référence est annuelle. Si cette période est inférieure ou supérieure à l’année, les heures supplémentaires sont celles effectuées au-delà d’une durée hebdomadaire moyenne de 35 heures, calculées sur la période de référence.

La loi travail du 8 août 2016 a introduit la possibilité de fixer une période de référence de 3 ans maximum par accord collectif et 9 mois en cas de décision unilatérale de l’employeur (article L.3121-41 du Code du Travail).

En juillet 2017, le syndicat CGT a saisi le Comité européen des droits sociaux (CEDS) considérant qu’un tel dispositif ne permettait pas aux salariés de prévoir leur durée du travail.

En défense, le gouvernement français faisait valoir qu’un tel dispositif répondait à un besoin de souplesse de certaines entreprises, notamment dans le domaine industriel, et ne privait pas le salarié d’heures supplémentaires dans la mesure où les périodes hautes de travail étaient compensées par des périodes basses de travail.

Le Comité européen a, à l’unanimité, considéré que les dispositions de l’article L.3121.41 du Code du Travail violaient l’article 4.2 de la Charte sociale dans la mesure où la pluriannualisation avait pour effet de priver les salariés du droit à bénéficier d’heures supplémentaires majorées.

Une période de référence supérieure à 1 an et au maximum de 3 ans n’est donc pas « raisonnable » et est contraire à la Charte sociale européenne.

En revanche, le délai de prévenance des salariés en cas de changement de la durée ou d’horaires de travail, fixé à 7 jours à défaut de stipulations dans les accords collectifs, a été jugé conforme à la Charte sociale européenne.

Cette décision n’est pas surprenante dans la mesure où le Comité européen des droits sociaux avait déjà jugé une période de référence de 24 mois pour le calcul de la durée moyenne du travail (dans des conventions collectives en Allemagne) trop longue.

 

Quelles conséquences en droit français ?

  1. Les salariés peuvent désormais saisir les juridictions prud’homales pour faire écarter l’application d’un accord collectif prévoyant un aménagement de leur temps de travail sur période de référence supérieure à 1 an et solliciter le paiement d’heures supplémentaires.
  1. En revanche, si la décision du Comité européen des droits sociaux doivent être respectées par les Etats concernés, elles ne sont pas exécutoires dans les ordres juridiques nationaux et ne revêt aucun caractère contraignant pour le gouvernement français qui n’est donc pas obligé de modifier le Code du travail.
  1. Pour autant, la vigilance est désormais de mise lors de la rédaction des accords collectifs d’aménagement du temps de travail. Si une période de référence supérieure à 1 an est légalement possible, elle pourra désormais être remise en cause devant le juge et ouvrir droit aux salariés au paiement d’heures supplémentaires.